Les résultats des recherches scientifiques expliqués dans le livre « Make it Stick » – The Science of Successful Learning, montrent que quand l’apprentissage est plus difficile, il est plus fort et dure plus longtemps. On le sait tous, bien sûr. Cependant, on utilise souvent des stratégies d’apprentissage intuitives – celles qui sont plus faciles et demandent un moindre effort : relecture d’un texte plusieurs fois, relecture des lignes soulignées ; tendance à aborder des nouveaux challenges en bloc sans mixer et varier les activités et les matières etc. On a une impression que c’est plus fluide et productif et que l’on va plus vite quand on utilise ces stratégies. En revanche, on se sent souvent en difficulté en utilisant des stratégies « actives », surtout quand les délais sont courts et quand on est submergés par la quantité de contenu à retenir. Pourtant, comme expliqué dans ce précieux livre, les stratégies d’apprentissage les plus efficaces sont celles qui sont souvent contre-intuitives. Voici les pratiques abordées et une réflexion sur leur application dans des programmes et des cours d’apprentissage en ligne.
I. La pratique de la récupération
La définition : La pratique de la récupération consiste à faire l’effort de se rappeler / récupérer de notre mémoire les informations, les concepts et les idées avec lesquelles nous avons été en contact préalablement. On parle de la récupération lorsque :
- nous expliquons avec nos propres mots les idées clés de l’article que nous avons lu le matin avant.
- nous faisons un résumé de notre journée au travail à notre conjoint.
- nous faisons un test après avoir lu un contenu.
Les arguments : Les résultats des recherches scientifiques montrent que l’effet de la rétention et de la mémorisation à long terme est significativement plus élevé avec la pratique de la récupération qu’avec une simple exposition aux contenus (Présentation PPT) ou une lecture du texte (Fiches PDF)
Les applications : Dans la conception et le développement des cours et des programmes en ligne, après avoir fait une présentation rapide du contenu, il faut prévoir régulièrement des activités qui exigent un effort pour récupérer les informations, les idées et les concepts : des tests et des quiz, des flash – cards, etc. Plus on exige d’effort par l’activité, meilleure est la rétention des informations dans mémoire sur le long terme. Par exemple, un test à choix multiple est moins efficace qu’un test avec des questions ouvertes où l’apprenant doit formuler tout seul sa réponse.
II. La pratique de l’espacement
Définition : La pratique de l’espacement consiste à espacer l’apprentissage afin de permettre un certain oubli entre deux étapes et revenir sur les contenus déjà appris. Nous parlons de la pratique de l’espacement lorsque :
- nous organisons une formation de 5 semaines avec une pause de 1 semaine entre chacune.
- nous répétons un test plusieurs fois dans l’année.
- nous organisons un onboarding en plusieurs étapes.
Les arguments : L’oubli est utile ! Les résultats des recherches scientifiques montrent que le fait que l’on oublie entre deux étapes nous oblige de faire un effort supplémentaire afin de retrouver l’information dans sa mémoire. Ce processus permet également de consolider les connections dans le cerveau et de renfoncer les liens entre les nouvelles informations et les connaissances existantes. Cela a un effet bénéfique sur la qualité et la durée des savoirs et des savoir-faire acquis.
Les applications : La première des choses est d’éviter la surcharge en donnant trop d’ informations d’un coup. Opter plutôt pour des étapes à parcourir. Par exemple dans un programme d’onboarding il faut décider ce dont les nouveaux employés ont besoin le premier jour de leur travail, au bout d’une semaine, au bout d’un mois… et proposer les activités et le programme en fonction de cette décision. Un autre exemple, dans un programme de blended learning il faudrait prévoir une pause entre les cours en ligne et la formation en salle.
III. La pratique de la variation
La définition : Le pratique de la variation consiste à mixer l’apprentissage de différents sortes. On parle de la pratique de la variation lorsque :
- nous essayons d’apprendre un morceau de musique en démarant toujours d’un endroit différent dans les partitions.
- nous apprenons les étapes d’un processus en modiafiant l’ordre des règles sans attendre de maîtriser complètement chaque règle avant de passer à l’autre.
Les arguments : Les recherches montrent qu’il est plus productif de changer de thème ou de problématique avant qu’elle ne soit complètement maîtrisée car cela permet de mieux différencier des concepts et mieux identifier leurs points communs. La pratique variée améliore votre capacité de transférer un apprentissage d’une situation à l’autre.
Les applications : Comment mettre en place la pratique de la variation dans un programme ou un cours en ligne ? En mixant les activités dans un même bloc ou en insérant de nouveaux concepts et idées dans les modules qui ne sont pas dédiés à ce même concept. Cela permet de revenir plusieurs fois sur les mêmes idées et de les aborder d’un angle différent.
IV. La pratique de la génération
La définition : La pratique de la génération consiste à essayer de résoudre un problème avant que nous ayons la réponse correcte. On parle de la pratique de la génération lorsque :
- nous rencontrons un nouveau problème au travail.
- nous essayons de deviner la réponse à une question avant d’avoir la réponse ou les informations nécessaires pour y répondre.
Les arguments : Nous mobilisons nos connaissances existantes en essayant de résoudre un problème. Cela permet de mieux intégrer la solution et les nouvelles informations dans nos modèles cognitifs existants. Même quand on n’arrive pas à trouver la bonne solution, la rétention des connaissances ou des savoirs-faire est plus durable et approfondie que quand nous avons tout simplement reçu passivement la solution à un problème.
Les applications : Nous pouvons favoriser la pratique de la génération en proposant des situations problématiques et des études de cas (scénarios) avant de présenter les messages clés et le contenu qu’il faut retenir dans un programme d’apprentissage en ligne. Dans un programme d’onboarding, les nouveaux arrivants peuvent être sollicités pour faire certaines taches sans avoir préalablement les informations nécessaires. Les employés peuvent être amenés alors à chercher eux mêmes les informations et les documents sur l’intranet de l’entreprise ou contacter un des experts métier dans le domaine.
V. La pratique de l’élaboration
La définition : La pratique de l’élaboration consiste à réfléchir sur le contenu lu ou vécu en se posant des questions : Qu’est-ce que cela veut dire pour moi ? Quels sont les points clés ? Comment je peux l’appliquer dans les nouveaux contextes ? On parle de la pratique de l’élaboration lorsque :
- nous essayons de trouver des exemples pour un concept ou une idée.
- nous essayons d’appliquer des idées et des concepts à notre vie personnelle ou à différents situations / domaines.
- nous cherchons un autre sens à une idée ou un concept.
Les arguments : Le fait de chercher d’autres exemples à un concept nous permet de créer des connections supplémentaires et approfondir des liens entre les connaissances déjà existantes et le nouvel apprentissage dans le cerveau. Cela permet de retenir plus durablement le nouvel apprentissage.
Les applications : Nous pouvons favoriser la pratique de l’élaboration on demandant aux apprenants de faire un résumé de la journée de formation en précisant des idées et des concepts clés retenus, comment ils peuvent être appliqués dans d’autres domaines, ou quels sont les exemples qui illustrent bien le contenu appris. A un nouvel arrivant dans l’entreprise, on peut demander de faire une réflexion sur sa journée de travail dans laquelle il peut indiquer ce qu’il a fait, comment ça s’est passé. Quels sont des éléments à améliorer et quel sont des éléments à retenir.
Pour finir…
En rédigeant cet article j’ai utilisé la majorité des concepts annoncés :
- La pratique de la récupération : J’ai lu le livre et j’ai rédigé cet article une première fois avec mes propres mots sans revenir sur le livre.
- La pratique de l’espacement : J’ai rédigé cet article en quelques jours, chaque fois en revenant sur ce que j’avais écris auparavant.
- La pratique de la variation : J’ai rédigé cet article en décrivant les différents concepts dans une façon non linéaire. J’avais commencé avec la première sans la finir, je suis passé à l’autre etc. J’ai mixé bien évidement mon activité de rédaction avec d’autres activités dans la journée.
- La pratique de l’élaboration : J’ai cherché des exemples dans mon expériences pour illustrer les concepts et j’ai cherché des applications de ces concepts pour les programmes d’apprentissage en ligne.
Merci pour cet article très intéressant. En effet ce livre « Make it Stick » – The Science of Successful Learning est une très bonne ressource pour ceux et celles qui souhaitent apprendre efficacement (ou orienter des apprenants dans ce sens). L’être humain recherche, souvent par nature, la facilité, la procrastination, ce qui lui est plus agréable, mais des méthodes et stratégies comme celles évoquées lui permettront de se cadrer dans un apprentissage efficace.
Tout à fait, il nous reste d’appliquer ces méthodes dans nos formations et notre apprentissage 🙂